Partager

« Au CNRS ? Mais comment ça ? On ne fait pas que de la physique et de la chimie au CNRS ? »

« Et à Tours ? Y'a du CNRS à Tours ? Mais je croyais que tous les Laboratoires étaient parisiens ? »

« Vous êtes rattachés à la Fac des Sciences alors ? Faculté de Droit ? Comme c'est curieux... »

« Et il y a des gens qui s'intéressent au Monde arabe à Tours ? »

« Mais qui paye ? » « Et pourquoi ? » « Et comment ? »

 

Tellement de questions à chaque fois que j'évoque mon métier... Eh bien tant mieux ! J'ai beaucoup de plaisir à expliquer en quoi consiste le statut d'ingénieur-cartographe au CNRS, au sein d'un Laboratoire de Sciences humaines, pluri-disciplinaire, qui regroupe aussi bien des géographes que des archéologues, des aménageurs que des historiens... et parmi eux des chercheurs et des enseignants-chercheurs qui s'intéressent spécifiquement au Monde arabe (du Golfe persique à l'Atlantique !).

 

Un métier rare puisqu'à l'époque de mon diplôme de DESS (5ème année d'étude, après un DEUG à Tours, une licence et une maîtrise à Paris, équivalent du Master 2 d'aujourd'hui), nous n'étions que 8 à sortir de cette école de Cartographie thématique de l'Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne, qui formait, après 4 ans de Géographie, des cartographes-concepteurs, à la différence d'autres formations qui initiaient aux métiers de dessinateurs-cartographes. Aujourd'hui, cette formation s'est rapprochée de celle de l'Ecole de l'IGN et forme toujours des cartographes-concepteurs, mais aussi des utilisateurs de SIG, les Systèmes d'informations géographiques ou des ingénieurs qui travaillent à partir de photographies, aériennes ou satellitaires.

 

Pour ma part, mon diplôme en poche, je me suis orientée vers la pratique de la cartographie « en libéral » : avec mon collègue de l'époque, nous avions monté une Société anonyme et décroché des contrats avec Le Monde Diplomatique, Le Monde de l'Education, les maisons d'édition Hatier (manuels scolaires) ou Larousse (série « Les Chroniques »), mais aussi des musées, comme celui de La Villette ou des Arts africains.

 

Cette activité de 2 ans m'a ouvert les yeux sur l'utilisation que les journalistes faisaient (ou ne faisaient pas) de la carte, me suggérant alors d'inscrire un sujet de thèse sur « La place de la carte dans la presse écrite française », sujet qui s'est transformé événements internationaux obligent en « La place de la carte dans la presse écrite française... pendant la Guerre du Golfe » (années 1990-1991 !).

 

Thèse non soutenue car entre-temps s'est offerte à moi la possibilité d'intégrer ce fameux Laboratoire du CNRS évoqué plus haut, dans le cadre de plusieurs CDD d'abord puis, après concours, sur un poste d'Ingénieur d'études à titre définitif.

 

Depuis 14 ans maintenant, je cartographie pour mes collègues chercheurs, enseignants-chercheurs ou doctorants, des quartiers, des villes, des ensembles architecturaux, tous localisés dans le Monde arabe afin de permettre une meilleure compréhension des problèmes d'urbanisation inhérents à cette partie du globe.

 

Je travaille aujourd'hui exclusivement sur ordinateur (après avoir usé du stylo à encre de Chine et consommé nombre de crayons de couleurs), avec beaucoup de plaisir à aller chercher « sur le terrain » les éléments de ma carte : travail en archives à Héliopolis, relevé photographique systématique du noyau originel de Port-Saïd, relevé de façades à Aïn el-Sira (Le Caire)... Mais lorsque le sujet porte sur Bagdad ou Sanaa (Yémen), les missions ne sont pas toujours envisageables ! Le jeu consistant, dans tous les cas, à fournir au lecteur de la carte la représentation la plus immédiate possible, celle qui permet à tout un chacun de comprendre, grâce à l'utilisation de symboles et de couleurs adaptés, un phénomène, quel qu'il soit (« Les villes millionnaires du Moyen-Orient », « Les quartiers et équipements de la ville d'Oujda », « L'évolution urbaine de Bagdad »...) et d'apporter des clés de lecture supplémentaires à des articles, ouvrages ou autres présentations.

 

L'usage de ces symboles et couleurs répond aux règles du système graphique (de la bonne utilisation de la sémiologie graphique...) et me paraît fondamental, surtout à l'époque du développement à outrance des nouvelles technologies et donc des nouvelles images ; j'ai ainsi plaisir à enseigner au sein du Département de géographie de l'Université de Tours (quand l'occasion se présente) et espère, très modestement, que les étudiants géographes ressortent de nos cours avec un esprit critique quant à la mauvaise utilisation de certains figurés sur les cartes que l'on peut trouver dans les journaux, sur Internet, ou au mauvais choix de couleurs utilisées sur ce que l'on appelle à tort « des cartes », celles qui figurent sur ces GPS désormais installés en série dans nos voitures.

 

Les exemples d'utilisation de la carte (bonne ou mauvaise) ne manquent pas et j'espère qu'à travers cette petite présentation de mon métier, vous prendrez conscience de la multiplicité des cartes que l'on rencontre au quotidien et que vous réaliserez alors que ces images ne pourraient pas exister... sans cartographes !
  • Dates
    Créé le 19 mai 2009